

- HAÏKU -
Bikko


Qui est fidèle aux festivals de haïku connaît Jean-Claude Nonnet, Bikko le boîteux ainsi qu'il se surnomme lui-même. Pourtant, ce ne sont pas ses inséparables béquilles qui attirent l'oeil immédiatement mais sa bonne humeur.
façade vitrée
le reflet d'un nuage
humanoïd
Observateur minutieux, il fige par petites touches des instants de son environnement ...
jardin noir et blanc -
le merle ne marque pas
la neige tassée
... nous invitant à côtoyer les saisons à ses côtés, de neige en neige, et à partager des tableaux impressionistes saisissant l'éclat d'un rayon ...
brume du matin
filtrant les premiers rayons
- le gazon brille
... le munster puant ...
tablée estivale -
les phéromones du Munster
à contre vent
... ou le couinement de la girouette.
il grince le nom
du moindre souffle d'hiver
- coq de fer blanc
Préférant la composition à deux images, il privilégie grandement l'effet de zoom, partant d'une ligne d'ambiance pour se focaliser ensuite sur un détail.
giboulée de mars -
l'oeil rouge de l'émetteur
sur le ciel gris
Dans le shéma inverse, quelques effets de grand angle apparaissent çà et là.
au dessus des mâts
une église sans clocher
– petit vent piquant
Dans tous les cas, Bikko « note souvent l'imperceptible sensation sans placarder ses états d'âme», et mène le lecteur par des chemins invisibles vers cette troisième rive qu'il saura seul découvrir.
punaisée au murune
carte postale jaunie
- le chant des mouche
www.dominiquechipot.fr / Le haïku, le temps d’un instant
Decembre 2014
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Tandis que notre belle Terre, indifférente à nos joies et peines, poursuit autour du soleil, son périple annuel, Jean-Claude Nonnet dit Bikko écrit des haïkus.
Cent onze
... Cent onze haïkus au plus près de notre quotidien.
Qui nous laissent entendre "le chuintement d'un balai", "les rugissements de souffleurs thermiques", "le bruit d'un hélicoptère", "le verglas qui crisse sous les roues" ...
... Cent onze haïkus au plus près de la vie des hommes.
Que l'on rencontre au hasard de ces mini-promenades et avec qui, si l'envie nous en prend, l'on pourra faire un bout de chemin. C'est ainsi que j'ai croisé la fleuriste évoquée ci-dessus, "bonnet enfoncé, une infirmière dans la bise", les ouvriers d'un chantier, un gendarme aux prises avec un chat ...
Avec discrétion l'auteur sait aussi nous parler de lui, nous invitant à partager un peu de son intimité...
Les animaux ne sont pas oubliés qui nous accompagnent dans cette folle course autour de notre bonne étoile. On croisera un corbeau " perdu dans le smog", un nuage de moucherons, un chat espiègle, une pie, une épeire " sur son hamac de soie" ....
Reste à déchiffrer l'énigme du titre. Curieusement, aucune trace de cette mystérieuse "Troisième rive" dans le corpus du recueil. Une invitation peut être alors à franchir les confins chaotiques de nos "cieux gris plombés" pour trouver refuge dans la poésie ? Non pas en cherchant à s'extraire des réalités du monde mais en tentant de les transcender. A moins qu'il ne s'agisse tout simplement, pour celui-là même qui se nomme Le Boiteux - Bikko en japonais, d'un chemin de traverse, de ceux que l'on emprunte pour leur beauté tortueuse, leur élégante dissymétrie.
le givre fondant
des continents inconnus
sur la pelouse
Ploc ! la lettre du haïku n°76 - Franck Vasseur,
Decembre 2014
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Ce recueil de 100 pages, de 111 haïkus, constitue la première publication de Jean-Claude Nonnet, dit Bikko (boiteux en japonais). Ayant lu de temps à autre des poèmes de lui dans la revue GONG ou sur Gong-haïku.fr, c'est un plaisir de découvrir cet ensemble et de saisir une écriture singulière.
« A ceux qui ne liront jamais ces lignes » L'exergue pose déjà question au lecteur : faire un livre et le dédier à ceux, celles qui ne savent pas lire, ou qui ne peuvent pas lire ou qui n'aiment pas lire, dénote un esprit bienveillant, politiquement attentif. L'ensemble est composé en six parties dont les titres : L'aube hésite, bleu délavé, Ville endormie... reprennent une expression employée dans un poème. Le premier haïku :
potron-minet ~
une faucille argentée
dans le ciel dur
nous convie à un réveil propice et le dernier haïku :
premier de l'an ~
un rêve érotique
la nuit dernière
propose à la fois une clôture et une ouverture en jouant sur la nuit- le jour- le premier- le dernier.
L'ensemble est très soigneusement construit à l'aide de formules linguistiques qui prêtent à nombreux sens. « L'aube hésite » fait lever le jour sur une matinée de neige toute en noir et blanc, depuis la pâleur de l'aurore, les ombres sur le verger enneigé, l'africaine au fond du bol... … et l'imaginaire qui s'éveille avec le soleil.
Les haïkus de Bikko sont souvent marqués par les fines perceptions de sens différents :
roucoulements ~
tasses de café ridées
par un courant d'air
Ici jouent l’ouïe et la vue de telle manière que les sens linguistiques se mêlent et que le café semble ridé par les roucoulements. L'imaginaire apporte sa note de fantaisie avec des formes inattendues qui font hésiter la lecture entre rêve et réalité. De temps à autre, une discrète métaphore apporte le même effet. Et quand l'imaginaire ne joue pas, on le provoque :
jardin de ville
par le trou de la serrure
le pied d'un if
Beaucoup de poèmes sont tout à fait réalistes, légèrement nostalgiques...
Il faudrait encore évoquer la puissance des kireji. Je laisse aux lecteur.es le plaisir de le faire.
GONG - Jean Antonini, Rédacteur en chef, poète de haïku
Octobre 2014
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Je viens de terminer ma première lecture de "Troisième rive" dont j'ai apprécié notamment l'acuité du coup d'œil et la finesse de la plume pour nous faire partager ces instants saisis au vol et volés au temps. J'ai noté au passage que le langage se colle au lectorat actuel et qu'il est, de ce fait, contemporain (ce qui nous change un peu de ceux et celles qui calquent les anciens !) sans toutefois renier ses origines nipponnes ni s'éloigner des canons traditionnels. Bref, un bel ouvrage qui mérite d'être re-lu !
Diane Descôteaux, poète classique et haïjin
30 Juillet 2014
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Dans ce recueil, Jean-Claude Nonnet, dit Bikko, convie à 111 micro-promenades réparties sur douze mois; tant visuelles qu’auditives, elles suivent les rythmes saisonniers. On y trouve des fragments de vie humaine, le détail d’un paysage, l’activité ou la détente de la faune domestique, ailée ou aquatique, la flore en mouvement ou au repos. Les humeurs de la météo et les moments du jour sont remarqués, peu importe le lieu.
Le poète, ancré dans l’ ‘ici et maintenant’, s’exprime dans une langue simple et précise, parfois sur un ton familier. Il s’abandonne à son environnement et note souvent l’imperceptible sensation sans placarder ses états d’âme – faisant ainsi d’une pierre… trois coups : il permet l’accès à son espace intérieur « par le trou de la serrure », invite le lecteur/la lectrice soit à découvrir, avec quiétude, son propre jardin secret, soit à comprendre les haïkus selon son expérience personnelle ou son vécu. Bref, on a envie de lire et de relire pour goûter la vie en soi et autour de soi.
Janick Belleau, poète de haïku et de tanka
Juillet 2014 - 4° de couverture